Avant tout, j’aimerais m’excuser.
Ça fait des années que je fréquente le PÀP, auparavant Théâtre Petit à Petit. Près de 15 ans pour être exact. Et j’aimerais m’excuser de ne pas vous en avoir parlé plus tôt.
Maintenant que le blogue a sa chronique #CultureIsEverywhere et que je vous ferai de plus en plus de suggestions théâtrales, je voulais qu’une des premières vous invite à aller vous faire ébranler la conscience par les pièces toujours incisives de ce théâtre (qui monte exclusivement des textes contemporains d’auteurs québécois et canadiens).
Les Feluettes. Ce titre vous dit quelque chose? Une pièce qui a profondément marqué le théâtre québécois. Une pièce d’abord créée par le PÀP en 1987 pour ensuite faire son petit tour du monde (ci-dessus à Paris, en 1990)! J’attends avec impatience la saison où elle sera jouée à nouveau à Montréal (je me déplacerais même à Ottawa ou Québec pour la voir, parce qu’elle manque vraiment à ma culture).
Plus récemment, signe de l’évolution du théâtre pour être miroir de son temps, le PÀP choisit en 2013 de mettre en scène 5 visages pour Camille Brunelle, de Guillaume Corbeil, critique cinglante et puissante de notre usage des réseaux sociaux pour projeter un je, me, moi virtuel pas toujours des plus authentiques et très souvent impudique. Ma propre utilisation de Facebook a changé après avoir vu cette pièce, qui a même été invitée à Avignon (ci-dessous), dans la section Off de son célèbre festival.
Je sais, c’est bête de vous en parler alors qu’elle n’est pas sur les planches en ce moment, mais c’est pour me sentir moins coupable de ne l’avoir fait plus tôt (quoique mes comptes Instagram et Facebook en gardent des traces il y a de cela… 103 semaines).
Tant de pièces du PÀP m’ont marqué qu’il ne sert à rien de continuer à vous les énumérer – sauf Je voudrais me déposer la tête, un texte déchirant de Jonathan Harnois sur l’amitié et le suicide – si ce n’est que pour vous inviter à les lire, peut-être, en attendant qu’elles reviennent sur les planches, car ce sont tous de magnifiques textes qui font réfléchir, plus même, qui font changer. Des textes bien souvent mis en scène par un des meilleurs, Claude Poissant (un fondateur du PÀP et directeur artistique depuis ses débuts).
Et maintenant que mon retard est (un peu) rattrapé, accordez-moi 2 minutes de plus pour vous parler de la pièce que le PÀP nous présente ces jours-ci, Grande Écoute.
Le théâtre tourne son regard dévastateur vers le monde narcissique du talk show et d’un animateur vedette, ROY (interprété par Denis Bernard), fin manipulateur au sommet de son art, bien que frôlant les bas fonds de toutes les relations qu’on lui connaît, dont celle avec sa femme, incarnée méchamment (bien) par Macha Limonchik.
Tout Québécois qui consomme le moindrement un peu de télévision (d’ici ou d’ailleurs) reconnaîtra dans cette pièce des émissions formatées qu’il regarde et qui sont par moments vides de sujets mais pleines d’objets. Pour ma part, je pense à Tout le monde en parle, avec la participation du public, les serrements de pinces à la vitesse de l’éclair et les réponses que notre Roy (A.) n’écoute souvent manifestement pas tant il est pressé de poser la question suivante. Mais Cassivi dans La Presse nous parlait aussi de Salvail (notre comique hyperactif) et, surtout, de Denis Lévesque (je ne pourrais vous dire, je ne l’ai JAMAIS regardé).
Brillamment mis en scène (Poissant, encore) et rempli de gros malaises (loin d’être beaux), le résultat nous laisse bien pensifs sur la qualité de certaines émissions de grande écoute que nous bouffons, et cyniques sur l’avenir de nos médias.
Néanmoins, je persiste à croire que la télévision n’a jamais été aussi bonne, et je ne parle pas juste des Netflix et HBO. Même au Québec. Il faut juste chercher un peu plus loin, un peu plus creux parfois que les contenus prédigérés pour nous. En attendant, cette pièce, comme toutes celles du PÀP que j’ai vues, vaut le détour (et la réflexion qu’elle vous poussera à avoir).
Grande Écoute, à l’Espace GO jusqu’au 21 mars.
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Jonathan
Photos : Robert Laliberté, Jérémie Battaglia et Gunther Gamper