À tous mes lève-tôt et amoureux de l’aurore, d’abord; aux amateurs de danse et puis finalement, à bien y penser, c’est pas compliqué, au reste de l’humanité, je vous implore ou du moins vous encourage très fort, allez voir gloires du matin 🙂 – (: dans les magiques studios de la compagnie Marie Chouinard. « Chaque moment de la journée comporte sa propre sa poésie », disait-elle dans une entrevue en 2009 à la création de cet intime spectacle alors qu’elle faisait un retour sur les planches après 20 années d’absence. Et l’on se rendra bien compte de cette poésie, justement, dans ces mêmes studios tous les matins de cette semaine, à la contemplation de ce triple miracle : celui de la fleur, celui de la femme et celui (c’en est un) de me faire oublier, pendant 50 minutes bénies, crimes de guerre et contre l’humanité…
Miracle floral inspiré par l’Ipomea (gloire du matin), une plante indigène d’Amérique, grimpante, envahissante et dont les fleurs s’épanouissent à l’aurore et meurent à la fin du jour, cette semaine interprété par Carol Prieur, danseuse de la compagnie depuis 30 ans et qui à son tour nous emporte dans le tourbillon lumineux dès les premières heures du jour. En tout cas c’était pour moi un tourbillon d’émotions que de voir cette fleur devenir femme, cette femme devenir fleur, savoir qu’elle n’a qu’un jour pour être pollinisée, fécondée, faire des fruits et libérer des graines (hallucinogènes, pour le coup ici). J’ai tout vu ça moi, dansé en 50 minutes dans un studio rempli de sa glorieuse lumière du matin, et j’y ai vu ma mère, aussi, qui vient de mourir, le jour qu’elle a choisi pour nous mettre au monde, pour nous libérer… et j’ai craqué. Merci Marie pour ton réconfort.
Je ne m’attendais pas à vous recommander ici autre chose que cette si émouvante expérience matinale, mais voilà que ma chronique va essaimer un peu, par une de ces splendides coïncidences engendrées par l’essence de découverte propre à la culture.
J’ai partagé une simple story sur Insta qui se voulait un petit teaser de la critique ci-dessus, j’y ai ajouté une chanson pour rendre ladite story plus vivante et en tapant le titre du spectacle dans l’outil de recherche, je suis tombé sur une luuuuumineuse balade acoustique nulle part ailleurs que dans Les gloires du matin, d’Avec pas d’casque. Oh que c’est beau! Je les connaissais de nom bien sûr, et de quelques airs, mais je n’avais pas encore eu de coup de cœur musical… c’est chose faite.
J’ai cherché et cherché à quel autre artiste que j’aime beaucoup me faisait penser cette belle découverte, et ça m’est venu à 1:37 du mat… Rodriguez, particulièrement l’album Cold Fact et encore plus précisément la chanson Crucify Your Mind. Dites-moi ce que vous pensez de la comparaison, si vous en faites l’écoute. Les premières notes de guitares sèches qui lancent le voyage, les trombones qui embarquent pour l’égayer (c’est ça qui m’a fait allumer), la poésie folk qui enveloppe dès le premier couplet et qui accompagne « le lent et inexorable crescendo instrumental », comme l’écrit Sylvain Cormier dans cette entrevue du Devoir, aussi douce que l’album… Tout y est. « On n’ose même pas appeler ça un métier. On fait de la musique parce que ça nous aide à vivre. Parce que ça fait de la lumière », dit le chanteur du groupe, Stéphane Lafleur. Ah, encore de la lumière.
Et n’oubliez pas tant qu’à y être que l’impressionnant Stéphane Lafleur est aussi réalisateur, scénariste et monteur derrière les merveilleux films Viking (2023), Tu dors Nicole (2014) et Continental, un film sans fusil (2007), entre autres, que je vous recommande tous vivement.
Jonathan -xx-
Photos : Sylvie-Ann Paré