Cette fin de semaine, Jean-Jules, le plus grand ami de Jonathan est parti. On savait que ce moment allait venir depuis quelques temps. En fait, les docteurs avaient prédit qu’il allait nous quitter l’été dernier. Mais Jean-Jules ne l’entendait pas ainsi… Il avait encore des moments à partager, des histoires à raconter, des opéras à voir et du champagne à boire!
Jean-Jules est resté avec nous 6 mois de plus. Et pour Jonathan, ces 26 semaines ont été un sursis extraordinaire. L’occasion de passer du temps avec son grand ami, de s’occuper de lui, de lui apporter un bon hot-dog et une frite quand il en avait marre de la nourriture de l’hôpital, ou tout simplement de lire Le Devoir à ses côtés.
Parfois Jonathan apportait son ordi pour travailler, pendant que Jean-Jules dormait, et à quelques reprises, il succombait lui aussi à la sieste… Jean-Jules a vécu à l’hôpital ou au CHSLD pendant les six derniers mois de sa vie (même s’il répétait toujours qu’il allait retourner dans son appart très bientôt), mais je ne pense pas qu’il se soit senti seul. Et c’est grâce aux nombreuses visites de sa famille et de ses amis.
Quand Jonathan a rencontré Jean-Jules, il y a un peu plus de 15 ans, je dois avouer que je ne ne comprenais pas trop leur relation. J’étais jeune (et un peu immature) et je me demandais pourquoi il passait autant de temps avec un monsieur de 70 ans. Avec le temps, j’ai compris que Jean-Jules était un peu son mentor. Il avait travaillé dans la diplomatie (comme Joe voulait le faire à l’époque) et il adorait, lui aussi, la culture. Jonathan et Jean-Jules sont donc devenus des partenaires de théâtre, d’opéra, de ballet… et de festins (de toutes sortes)!
De son côté, Jean-Jules avait un ami avec qui il pouvait partager toutes ces choses qu’il aimait et il était entouré d’une jeunesse qui le gardait aussi jeune. Pendant ces 15 années d’amitié, le duo improbable a aussi beaucoup voyagé. Ensemble, ils sont allés en France, au Maroc, en Europe de l’Est et récemment, ils avaient fait une petite escapade dans Charlevoix.
Aujourd’hui, je tiens à célébrer cette amitié transgénérationnelle parce que je la trouve belle et inspirante. Elle me fait réaliser que nos aînés ont tellement d’amour, d’histoires et de connaissances à nous transmettre, et qu’on devrait en profiter pendant qu’ils sont encore là.
Je sais que même s’il n’a pas de regrets parce qu’il a véritablement profité des derniers mois avec Jean-Jules, Jonathan est très triste d’avoir perdu son mentor, parrain et son plus précieux ami.
Mon amour, je voudrais te dire tant de choses, mais comme les mots ne sont pas toujours faciles à trouver, j’emprunte ceux de William Blake dans le magnifique poème: Comme un Voilier
Je suis debout au bord de la plage
Un voilier passe dans la brise du matin et part vers l’océan.
Il est la beauté, il est la vie.
Je le regarde jusqu’à ce qu’il disparaisse à l’horizon.
Quelqu’un à mon côté dit :
« Il est parti ! »
Parti ? Vers où ?
Parti de mon regard. C’est tout…
Son mât est toujours aussi haut,
Sa coque a toujours la force de porter sa charge humaine.
Sa disparition totale de ma vue est en moi,
Pas en lui.
Et juste au moment où quelqu’un près de moi dit : « il est parti ! »
Il en est d’autres qui, le voyant poindre à l’horizon et venir vers eux,
s’exclament avec joie :
« Le voilà ! »…
C’est ça la mort.
Avec les années, Jean-Jules est aussi devenu un grand ami de la famille, et surtout de ma maman, qui l’adorait! J’en profite donc, cher Jean-Jules, pour te dire que tu vas tous nous manquer!
Lolitta xx