Impossible de commencer cet article sans vous demander, si vous avez le temps de me lire, d’aller lire d’abord les mots d’ouverture bien plus importants de Martin Faucher, directeur artistique du Festival TransAmériques, dans toute leur joie, fébrilité, tristesse et inquiétude. Si vous n’étiez pas sur place au QG au lancement du festival mercredi, lisez-les ici

Il y parle de nos promesses et de nos échecs, environnementaux entre autres, cette priorité absolue. Il y parle de tous ces artistes aux passeports iraniens, burkinabés, camerounais, cubains, sud-africains qui doivent constater « qu’en cette 13e édition du Festival TransAmériques, jamais le chemin pour rejoindre le Canada n’aura été aussi ardu, tortueux, pénible, humiliant parfois; jamais autant de spectacles venus de l’étranger n’auront été susceptibles de ne pas être présentés en raison du refus de la part des autorités canadiennes d’accorder des visas de séjour à ces artistes, ou encore en délivrant ces visas dans des délais déraisonnables. »

Le premier spectacle dont je vais vous parler, Kalakuta Republik, que j’ai vu et qui m’a fait retourner dans mon Burkina chéri hier soir, a souffert de ce traitement que je croyais amélioré dans le Canada de Justin Trudeau (you know, because it’s 2019!). Mais comme le montrent les propos inquiétants de Maxime Bernier sur l’avortement cette semaine, notre pays, comme bien d’autres, ne fait pas que marcher seulement vers l’avant.

Avec un danseur et un éclairagiste en moins, cloués à Ouagadougou, c’est une troupe soudée et unie qui nous livre ce puissant spectacle de Serge Aimé Coulibaly, artiste politique comme il nous en faut. Inspiré lui-même dans cette chorégraphie par Fela Kuti, le père de l’afrobeat, qui a fait à son heure d’autres révolutions, Coulibaly nous replonge dans la révolution de 2014 au Burkina Faso, celle qui a chassé du pouvoir un homme qui s’y accrochait depuis trop longtemps, après l’avoir acquis dans le sang. C’est le même chaos, la même jeunesse, le même fol espoir qui alimente toute la sensualité de ce spectacle qui vous donnera envie de plonger aussi pour faire bouger les choses. Il reste 2 représentations, au Monument National, et pour vos billets, c’est ici.

Tous des oiseaux, de Wajdi Mouawad

Les pièces d’ouverture à grand déploiement du FTA sont toujours parmi celles que j’attends le plus de toute l’année sur les planches montréalaises. Wajdi Mouawad (Incendies) retrouve le souffle ardent des grandes fresques théâtrales avec une puissante tragédie qui se déchaîne au cœur du conflit israélo-palestinien. 4 heures de pures émotions. Les thèmes peuvent paraître un peu faciles à première vue – le poids des secrets et des mensonges qui changent toute une vie – mais ils méritent souvent un second regard plus complet : ces mensonges se justifient-ils quand l’on constate les apocalypses personnelles que la vérité sait parfois causer. Du Wajdi Mouawad comme on l’aime, comme Paris en a raffolé l’an dernier dans ce Théâtre de la Colline qu’il dirige avec panache.

Il y a une liste d’attente sur place pour toutes les représentations restantes (jusqu’à lundi soir), mais ça vaut absolument la peine de s’y pointer et si cela ne fonctionne pas, j’ai une solution pour vous qui se trouve à être un de mes coups de cœur absolus de cette édition et qui est présenté quelques fois en même temps que Tous des oiseaux

Hidden Paradise

Ce coup de cœur se trouve à être avant tout un coup de gueule. Je m’empresse de vous référer au site pour plus d’info avant que je ne complète mon article après ma game de balle-molle (pour ceux qui lisent cela samedi matin, haha). 

** Bon ça y est, splendide victoire contre les Pirates, je troque ma casquette de capitaine des Gros Bats pour mon clavier et retourne à mon paradis caché. **

Les artistes pluridisciplinaires Alix Dufresne et Marc Béland, à travers ce petit bijou de performance, nous poussent à ne pas détourner l’attention d’une entrevue éclairante et saisissante sur les paradis fiscaux et leurs impacts pervers, de ne pas oublier cette perversité, de ne pas changer de chaîne pour mettre de la musique à la place! Vous allez l’apprendre vous aussi cette entrevue d’Alain Deneault à Marie-France Bazzo, vous allez la mémoriser et la vivre avec vos tripes, vous verrez. Ce spectacle engagé habite encore plusieurs de mes réflexions politiques et sociales. Presque autant que les questions environnementales qui donnent aussi envie de hurler parfois (tout le temps).

Je suis ravi de cet autre choix de programmation du FTA. Le festival prend tout son sens à mes yeux avec ce genre de message et je me réjouis que ce spectacle soit voué à un succès partout au Québec, au Canada et, je le sens, dans le monde. Bravo Alixxx 😉 

Hidden Paradise, au Monument National du 25 au 28 mai (2 représentations le dimanche 26). Toutes les représentations sont suivies d’une discussion avec les artistes (vous allez vouloir rester). Et pour vous, chers lecteurs de Québec, sachez que le spectacle sera chez vous les 5 et 6 juin dans le cadre de votre excellent Carrefour international de théâtre.

Savušun

« Gémir à la mort de Siavash », voilà ce que veut dire, en farsi, le titre de ce spectacle rituel de l’artiste trans iranien.ne, Sorour Darabi. Nous sommes transportés dans un monde que même une absolue majorité d’Iraniens ne reconnaîtraient que partiellement, j’imagine.  L’artiste nous révèle son corps surprenant dans le mouvement et la douleur, mais surtout une facette de son âme à travers une lettre d’amour tendre, sensuelle et subversive d’un fils à son colonel de père, que l’on présume mort soit littéralement ou soit à travers l’exil français de son fils.

J’aurais aimé avoir la chance d’assister à la représentation de samedi afin d’aller à la rencontre de Darabi, de lui poser des questions et d’entendre celles que ce spectacle a inspirées à mes voisins spectateurs. Vous avez encore cette possibilité de découvrir l’autre. Pour les billets, c’est ici

Fear and Greed, Frédérick Gravel

Je ne pense pas que dans ce nouveau solo, Gravel me fera chialer comme dans son intimiste This Duet (pour rappel), mais je ne peux simplement pas rater la moindre des créations d’un homme qui m’a autant chamboulé un jour juste en dansant et jouant de la guitare. 

Pour en apprendre un peu plus sur cet artiste tour à tour chorégraphe, danseur, musicien, chanteur et éclairagiste qui commence à se forger une belle réputation internationale également, allez voir ici et ça tombe bien, c’est là aussi que vous pourrez acheter vos billets. 

Ce fut difficile de vous suggérer uniquement 5 spectacles. Le festival est rempli de pépites qui vous feront rire, réfléchir, pleurer. Consultez la programmation complète pour voir si quelque chose vous parle davantage. Vous m’en donnerez des nouvelles et l’on s’y croisera peut-être. 

À bientôt. Votre tout dévoué,

Joe xx

 

Crédits photos: Sophie Garcia (Kalakuta), Simon Gosselin (Tous des Oiseaux), Andre Le Corre (Savušun), Xavier Laliberté, Maxime Robert Lachaine (Hidden Paradise), Nans Bortuzzo (Fear and Greed)

Comments

comments

Article précédentLes plus beaux looks au grand Bal du Musée McCord
Article suivantSpécial style à C2 Montréal 2019
Jonathan a eu la piqûre mode tardive, à force d’accompagner sa blonde (brune, rousse, rose) Lolitta dans ce monde en perpétuel mouvement qui lui a permis de faire de fascinantes rencontres et découvertes. Passionné d’écriture et grand amateur d’art et de culture, Jonathan signe les articles culturels du blogue. Il est aussi le chroniqueur mode et beauté masculine de Fashion Is Everywhere, et se compte bien chanceux d’être le seul gars de l’équipe, entouré de quatre extraordinaires collaboratrices. Il est aussi le réviseur et traducteur du blogue... faque s’il y a une faute, c’est de sa faute! Ah oui! Il trippe golf ;)