Voici le printemps enfin venu, (j’ai repoussé mon article de 2 semaines pour pouvoir dire cela, n’en déplaise à ma rédactrice en chef) et en cette période de bourgeonnement naturel et culturel, je vous fais part de quelques-unes de mes recommandations sur les planches.
- Voir la version théâtrale de ces films tant appréciés, pour ne pas dire culte.
La société des poètes disparus, de Tom Schulman, au Théâtre Denise-Pelletier, m.e.s de Sébastien David.
Oh capitaine, mon capitaine! Qui ne se rappelle ces premiers mots du poème métaphorique de Walt Whitman en louange à Abraham Lincoln après son assassinat, mais entrés dans nos vies surtout à la fin du film avec feu Robin Williams (transcendant) et Ethan Hawke (sensible et irrésistible) qui a marqué ma génération et qui est brillamment repris au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 26 avril?
En 1959, à la prestigieuse Académie Welton, monsieur Keating, un professeur de littérature, surprend les étudiants avec une pédagogie anticonformiste. Invités par l’homme de lettres à trouver leur propre voix, les adolescents recréeront alors la « Société des poètes disparus », une sorte de club clandestin pour esprits libres dont Keating a autrefois été l’un des membres influents.
Déjà plus de 22 000 billets vendus dans notre grand théâtre à vocation scolaire et ça tombe bien, car même si on y replonge à notre âge avec plaisir et nostalgie, cette pièce s’adresse surtout aux ados et à ces chers millénariaux qui ne l’auraient pas encore vue, pour leur montrer (et rappeler aux plus vieux, car n’allez pas croire que cette pièce ne contient pas de rappels et de leçons pour nous) que le bonheur rime avec une liberté de pensée affranchie de cette fichue peur qui peut paralyser. À bas la mentalité de troupeau, vive la créativité; bon Dieu si vous voulez écrire, écrivez! Si vous aimez, eh bien foncez, plongez et allez sucer toute la substantifique moelle de la vie. On en sort fouetté, revigoré et ému, tout comme après avoir vu le film à l’époque. Quelques billets encore disponibles ici.
P.S. La nouvelle saison du TDP vient tout juste de sortir et tout ce que j’ai à dire, c’est WOW! Merci Claude Poissant de nous faire à nouveau voyager et plonger dans ce parfait mélange de classique et de contemporain. Mes coups de coeur longtemps d’avance, l’une des grandes œuvres politiques et littéraires du 20e siècle Le meilleur des mondes, d’Aldous Huxley, Zoé, d’Olivier Choinière, Les Amoureux de Goldoni, et Les sorcières de Salem, chef d’oeuvre d’Arthur Miller. Assez d’excellentes raisons de se magasiner un petit forfait pour la saison prochaine, je dirais.
La Face cachée de la Lune, de Robert Lepage. Nous avons vu ce film alors que nous vivions en Belgique et que le Québec avait été mis à l’honneur au Festival international de film francophone (FIFF) de Namur. Petite (trop longue) parenthèse, c’est cette même année, 2002 ou 2003, que nous avions rencontré et cocktailé avec Simon-Olivier Fecteau (sans alcool pour lui car il voulait rester focus, ça m’avait marqué) avant qu’il ne devienne « ce gars-là ». Il y présentait un court-métrage qui m’avait beaucoup fait rire sur un homme qui fait son bucket list avant de mourir (avant le film avec Morgan Freeman et Jack Nicholson, as-tu collecté les droits, gars?). Bref revenons-en à nos moutons.
C’est à Yves Jacques que Robert Lepage fait confiance depuis 2001 et plus de 300 représentations autour de la planète, qui elle n’a presqu’aucune face cachée pour ce solo qui a été joué en Amérique du Nord, du Sud, en Asie, en Europe et en Océanie (je leur souhaite l’Afrique très bientôt). Jacques y incarne seul sur scène deux frères en tentative de réconciliation. La beauté de tout cela, et Michel Tremblay le dit souvent aussi de son théâtre voyageur, c’est que dans 65 villes et 27 pays , les réactions seront souvent exactement les mêmes aux mêmes moments. Mais une histoire de frères cherchant à se réconcilier aura certes une intensité différente en Corée du Nord et en Irlande qu’en France. Quoique…
Ce qui est certain, c’est que nous sommes bien chanceux de retrouver cette oeuvre brillant comme une pleine lune dans le ciel (et sur les planches) montréalais. Courez-y, je ne saurais assez insister. Du 3 avril au 11 mai avec 3 nouvelles supplémentaires : le 27 avril, et les 4 mai & 5 mai.
2. Été émerveillé par une autre adaptation, plus rare, du théâtre à la danse.
Revisor, de Crystal Pite + Jonathon Young, présenté par Danse Danse.
Nicolas Gogol était considéré par ses contemporains comme l’une des figures principales du réalisme littéraire russe. Ses œuvres plus tardives se sont politisées, avec quelques accents surréalistes et absurdes, et ont fait la satire de la corruption politique de l’empire russe. Et voilà où je voulais en venir: la mise en danse de Revisor, cette pièce de Gogol basée sur une anecdote que lui raconte son ami le grand poète Pouchkine, et qui critique la cupidité et la bêtise humaine dans cet Empire corrompu.
Le tout dansé et lip-synché pour nous de façon spectaculairement théâtrale. J’espère que plusieurs d’entre vous avez eu la chance de voir cette adaptation rarissime qui réunit encore une fois Pite la chorégraphe de renommée internationale et Young, ce dramaturge canadien à l’inventivité sans bornes, duo qui avait ébloui le FTA le printemps dernier avec Betroffenheit.
En tout cas, si vous avez raté cela, reprenez-vous en allant voir le dernier spectacle de la saison de Danse Danse : The Propelled Heart, d’Alonzo King. Coup de cœur anticipé de ce chorégraphe visionnaire, accompagné par la voix de Lisa Fischer.
Britannicus, de Racine
Petite anecdote pour ceux qui veulent tester la vision (et la pudeur) de leur mère sans les traîner chez l’ophtalmologue, l’inviter à voir Britannicus au TNM et voir quels détails elle remarque dans la scène particulière ci-dessous, l’habit de Marc Béland (un Narcisse parfaitement perfide et haïssable) ou celui de Francis Ducharme (en Néron qui commence à sombrer dans la tyrannie).
Tant pis si je viens de perdre ma crédibilité de chroniqueur culturel tout en faisant rougir maman, je me permets quand même de recommander cette pièce à tous ceux qui aiment les tragédies, les alexandrins, les pièces politiques, à ceux qui aiment détester des personnages infâmes ou le talent d’acteurs en plein contrôle de leur texte et de leurs moyens.
Vous trouverez quelques billets ici, si vous êtes chanceux car il en restait toujours quelques bonnes quand j’ai vérifié. Jusqu’au 20 avril.
Sur ce : BONS SPECTACLES! Et pour ceux qui se sont rendus jusqu’au bout, je vous invite à m’indiquer quelles pièces vous ont plu ou déplu cette année et quelles pièces à venir vous enchantent d’avance. On pourrait aller les voir le même soir, qui sait. N’hésitez pas! Au plaisir,
Jonathan -xx-
Photos: Poètes disparus – Gunther Gamper. Lune – David Leclerc. Revisor – Michael Slobodian. Propelled Heart – Quinn B. Wharton. Britannicus – Yves Renaud.